1917 de
Sam MENDES.
Deux soldats britanniques sont envoyés au delà des lignes ennemies pour informer à temps 1600 collègues de batailles de ne pas se jeter dans la gueule du loup Allemand.
14-18 au cinéma, c'est plus d'une centaine de films pour la plupart oubliés ou oubliables. Puis il y a ceux qui vous marquent, qui vous remuent comme
JOHNNY GOT HIS GUN ou
THE PATHS OF GLORY, l'un pour son parti pris psychologique radical, l'autre pour ses travellings devenus mythique transpirant la peur et la mort. Je ne veux pas oublier ici
WAR HORSE, un
Spielberg récent mais très sous estimé qui est - à mon humble avis - un pur bijou d'émotions et de mise en scène.
Le plan séquence lui fait partie intégrante du vocabulaire cinématographique. Plus ou moins long à ses début, comme l'ouverture culte de
TOUCH OF EVIL ou bien l'intégralité (truquée) de
THE ROPE, ce style de filmage s'est de plus en plus démocratisé avec le temps et la technique, y a qu'à voir
SNAKE EYES,
PANIC ROOM ou encore
CHILDREN OF MEN (et j'en passe). Mais des films complets en vrais/faux plan séquence, c'est assez rare et souvent époustouflant pour être marqué d'une pierre blanche. Hormis
L'ARCHE RUSSE et
BIRDMAN, je pense bien sûr au méconnu
VICTORIA de
Sebastian Schipper (2015) qui nous entraine en un seul mouvement de camera de 2h18 (!) dans une folle nuit Berlinoise façon
AFTER HOURS.
Apres son plus que mitigé
SPECTRE mais son très réussi
SKYFALL,
Sam MENDES a décidé pour
1917 de fusionner ces deux thématiques pour accoucher du premier grand film de 2020, soit le film de guerre - dont il a déjà tâté avec l'excellent
JARHEAD - esquissée en une seule prise de deux heures.
Autant le dire de suite, techniquement c'est magistral de bout en bout, immersif à souhait, voir totalement viscéral. Pour ne rien gâcher, ce trip mortifère est photographié par Roger DEAKINS - l'un des plus grand chef op actuel - autant vous dire que le spectacle est au rendez vous, et l'émotion n'est pas en reste.
A l'instar de
JARHEAD où les combats étaient hors champs, ici très peu d'explosions et de pyrotechnie (hormis la course folle finale) mais une ballade spéciale (qui a dit spectrale ?) dans les tranchées et les cratères d'obus, au travers de fermes abandonnées et de villages ravagés ressemblant à s'y méprendre à un véritable cauchemar éveillé. Cette rêverie macabre est lacérée à une ou deux reprises par de pures fulgurances poétique (l'espoir féminin et la paix a cappella) qui surlignent encore plus l'horreur de ces corps à demi ensevelis aux cotés de chevaux inertes, gigantesque charnier à ciel ouvert nettoyés par les rats.
Mais
MENDES avec son ouverture/fin toute bucolique invoque de façon inconsciente l'immense
Rimbaud et son
Dormeur Du Val - inspiré des combats de 1870 - (mais les guerres ne sont-elles pas au fond toutes les mêmes ?), poésie où l'on découvre dans une douceur déstabilisante un soldat couché dans l'herbe se reposant prés d'un cour d'eau avant de comprendre qu'il ne s'en relèvera jamais.
1917 est de cette trempe là, un voyage au bout de l'horreur, de celle qu'il ne faut pas laisser entre les mains des militaires, une marche forcée en enfer, celui là même qui fit tomber 7000 âmes par jour pour finir en 1918 à dix millions de sacrifiés sur l'autel des marchands de canons.