A GHOST STORY de David LOWERY.
Partir, c'est mourir un peu,
C'est mourir à ce qu'on aime :
On laisse un peu de soi-même
En toute heure et dans tout lieu. *
Voilà un splendide résumé du miraculeux A GHOST STORY réalisé par David Lowery, tout jeune metteur en scène avec à son actif à peine trois films, dont AIN'T THEM BODIES SAINTS et PETE'S DRAGON, il fait preuve d'une belle aisance et d'un savoir faire vraiment étonnant.
C & M (Casey Affleck & Rooney Mara impeccables) s'aiment, occupent une maison qu'elle veut quitter, pas lui. Il décède brusquement dans un accident de la route mais son fantôme retourne at home...
Pour nous narrer son incroyable histoire de spectre hantant sa compagne, puis son ancien lieu d'habitation, pour finir avec l'espace et le temps, il n’hésite pas tout d'abord à choisir un format sans age. Son métrage entre tout entier dans le cadre d'une diapositive, surprenante fenêtre visuelle qui embrassera aussi bien le calme du présent, les néons du future comme les vastes prairies du 19ème siècle.
Autre surprise, la durée de ses plans. A l'instar d'un Robert Eggers avec THE VVITCH qui prônait un certain ascétisme doublé d'une précision diabolique concernant la longueur de ses séquences, Lowery n’hésite pas s'éterniser sur un simple câlin réconciliateur ou un gavage à la tarte salvateur.
Et le terme "s’éterniser" prend ici tout son sens, car à travers les attentes de son fantôme, ses déambulations comme ses dialogues (si si, avec celui des voisins !), le réalisateur raconte bien plus que le manque, l'absence, le vide ou le deuil.
En le faisant traverser les siècles en tous sens, grâce notamment à de merveilleuses ellipses, il touche du doigt l'univers (qui a dit universel ?) et creuse le sillon du temps et de l'éternité. L'immense Terrence Malick habite clairement le métrage (ce calme olympien, ces reflets lumineux comme des signes de l'au-delà), et c'est indubitablement dans un certain panthéisme/animisme que l'on trouve la filiation la plus évidente.
Réussir à donner du corps, de l'esprit aux choses, à rendre aussi vivant et capital ce piano dans le salon, ou cette vieille maison rurale, le tout avec si peu de moyen et un sens de l'économie frôlant la grâce absolue que ça en devient au final totalement bouleversant.
Ne dit-on pas que l'Histoire est un éternel recommencement ?
Partie c'est mourir un peu... et la boucle est boulée.
* Première strophe du Rondel de l'Adieu - Edmond Haraucourt 1890.
P.S.: Bonnes fêtes de fin d'années à toutes et tous...
