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Concert: Jordi Savall et Hespèrion XXI à la Cité de la Musique le 27 mai 2006.

Compte rendu : concert « Sud et Nord dans l’Europe de la Renaissance »

Jordi Savall et l’ensemble Hespèrion XXI, le samedi 27 mai 2006, du Cycle de concerts «Domaine Privé» de Jordi Savall à Paris, à la Cité de la Musique, en mai 2006.

Pièces éditées par le Lyonnais Jacques Moderne (vers 1550) et en 2° partie composés par le violiste Anglais Wiliam Brade (Hambourg, 1617).

Programme de musiques de danses principalement.

Ayant entendu il y a peu la richesse et la qualité des musiques redécouvertes ou jouées par ou sous l’impulsion de Jordi Savall, et la qualité acoustique et technique des enregistrements, je ne pouvais qu’être intéressé par le cycle de concert Domaine Privé Jordi Savall, programmé à la Cité de la Musique à Paris, fin mai.

J’avais été interpellé par une affiche dans le métro, belle photographie montrant le visage concentré du musicien, contre le manche d’une viole.
Par attrait pour l’ensemble Hespérion XXI, mon choix s’est porté sur le concert du Samedi 27 Mai, « Sud et Nord dans l’Europe de la Renaissance ».
Dans l’après midi avait lieu un forum, en présence de Monsieur Savall, et projection du film «Jordi Savall, la beauté du son», de Didier Baussy-Oulianoff, de 1995, mais plus de places disponibles au moment de ma demande, à mon grand regret.
S’agissant d’un concert d’une formation d’une vingtaine de musiciens, mais avec instruments baroques, j’ai préféré une place proche de la scène, au 3° rang, pour voir et surtout entendre de manière plus rapprochée ces instruments et ce type de formation. Pour un concert avec l’ensemble « le Concert des Nations », j’eusse opté pour une position plus éloignée, pour profiter une scène sonore plus vaste et rayonnante.

Je découvre depuis quelque temps dans le label ALIAVOX les productions discographiques de Jordi Savall et des diverses formations qu'il a créées et avec lesquelles il collabore très régulièrement: Hespèrion XXI, le Concert Des Nations, la Capella Reial de Catalunya. J’ai donc les sonorités des enregistrements discographiques bien dans l’oreille, je suis préparé à ce concert.
C’est ma première confrontation avec la musique vivante, sur ce type de musique et avec cette formation. Je découvre les vraies sonorités, les niveaux sonores, la disposition spatiale, mais surtout l’humanité et les dialogues entre musiciens jusque-là perçus uniquement par les enregistrements et les systèmes de retranscription.
Il n’y pas de sonorisation : les discrets micros présents sur la scène ne sont là que pour la captation du concert. Nous aurons donc les sonorités réelles des instruments.
Les instruments sont d'époque, ou des copies: 5 violes de gambes de toutes tailles, des flûtes (2 musiciens avec nombre d'instruments surprenants), 2 cornets (cuivres à coulisses?), 2 sacqueboutes (sortes de flûtes en bois? courbes), un basson, un violone (sorte de contrebasse jouée à l'archet), 1 petit orgue, un clavecin, un théorbe, une harpe, 1 guitare, 2 percussionnistes.
Les pièces proposées ont été éditées à Lyon, vers 1550, et Hambourg, 1617. Retrouvées et adaptées par Jordi Savall, je suppose. Ce sont pour la plupart des danses.

Ce concert est pour moi une excellente occasion de re-étalonner mes repères des timbres et sonorités, comprendre à quoi font référence mes enceintes, ce vers quoi elles tendent, et de sentir les manques éventuels entre le concert vivant et l'écoute d'un CD à domicile.

Les surprises:
-le niveau sonore, très contenu,
-l'acoustique de la salle: très équilibrée où je me trouvais, et il me semble dans l'ensemble de la salle, avec une acoustique cependant surprenante après avoir entendu ce type de musique enregistrée dans des vastes salles en pierre. Les sons ne se déploient pas de la même manière, sont plus "nature" et discrets, que ceux qui prennent leur envol dans les collégiales où sont souvent enregistrés les disques.
-les instruments prennent leur place dans la formation, mais jamais aucun ne la surpasse ou ne l'écrase. Tout est dans la subtilité, à tel point que l'on a parfois du mal à discerner ou localiser le jeu d'un instrument particulier, mais il manquerait s'il était supprimé. Le violone est là, mais est-ce lui que j'entends? ou bien maintenant l'orgue? ou la harpe? entends-je telle viole? ou sa voisine?
Tout est vraiment subtil, quoiqu'énergique, allant, avec un tempo rigoureux ou "champêtre", selon les pièces.

Des confirmations:
-les timbres et micro-détails que je connais par le disque sont bien ceux que je perçois là,
-pour parler dans les mêmes termes que pour une critique de CD, je dirai beaucoup de dynamique, grande étendue spectrale, très équilibrée, belle spatialisation,
-les échanges, joutes et répons entre violes, parfaitement scénarisés dans les oeuvres et dans la disposition scénique (Les 2 groupes de violes étaient répartis de part et d'autre des théorbes, harpe et guitare, favorisant l'impression de dialogue entre les 2 groupes), sont ceux qui se faisaient percevoir dans les enregistrements.

Des plaisirs:
-le plaisir justement, des musiciens, avec la sensation de différents rapports: de maître à élève dans le regard attentif du jeune percussionniste à l'écoute des indications de direction et d'impulsion données par J, Savall, par opposition à la tranquilité du « vieux chat » qu'est Pedro Estevan, l'autre percussionniste.
Leur disposition scénique (chacun à une extrémité en haut de la formation), et le complément ou la doublure du jeu rythment ou soutiennent le chant des instruments, avec maîtrise et délicatesse, indispensables dans ces pupitres,
-la connivence, ou le regard complice plein de respect envers les compétences et savoir-faires respectifs entre tous ces musiciens, toujours avec humilité, l'humour et l'entrain, non guindé des musiciens.
Les flutistes étaient particulièrement en verve ce soir là, provoquant même parfois la jovialité de Philippe Pierlot, immédiatement voisin.

Du beau monde aussi à différents pupitres, Rolf Lislevand à la guitare, Andrew Lawrence-King à la harpe, Philippe Pierlot à la viole notamment. Plusieurs de ces musiciens ont des parcours personnels de qualité, une vie musicale propre en dehors de cette formation, renforçant la qualité de l'échange que constituait ce programme.
Le respect mutuel des différents musiciens, leur joie et leur plaisir à jouer ensemble transparaissait dans l'exécution des oeuvres.
"Der Hexen Tanz", la danse des sorcières, très énergique et rythmée, avec des "arrêts" et "reprises" soudains, m'a particulièrement réjoui.
Beaucoup de rythme, une belle scénarisation à la fois des pièces, et de l'ensemble du programme joué. Pas une lecture linéaire et monocorde, mais un développement, des passages plus intenses, une variété de sentiments, comme on retrouve dans les enregistrements Savall depuis quelques années.

Je vais guetter les concerts de cet ensemble Hespèrion XXI, comme ceux du Concert des Nations et de la Capella Reial de Catalunya, pour retrouver cette qualité et ce plaisir ressentis ce soir là à la cité de la musique.

Grand merci aux musiciens et aux organisateurs.

CD conseillés: chez ALIAVOX, label de Jordi Savall, distribué en France par Abeille musique:
-Altre Folie -Thomas Hume -La Folia -Mozart -Carlos V.