HADOUK TRIO: Didier Malherbe, Loy Ehrlich, Steve Shehan.
« Hadouk », c’'est le « Ha » du hajouj de Loy Ehrlich, le « douk » du doudouk de Didier Malherbe, duo initial, par la suite rejoint par Steve Shehan.
Au New Moning, le Trio frappe encore, et de fort belle manière.
Ayant découvert le Trio grâce à FIP, et au double album « live à FIP », j'avais apprécié leur univers, mélange de jazz, d'instruments étranges, de mélodies et rythmes d'où perlaient diverses influences, tenant autant de l'ethnographie musicale que la poésie et de l'onirisme.
Du jazz malgré tout, rythmique et mélodique donc, et vivant témoignage des recherches très approfondies, du nomadisme et des emprunts opérés par les 3 musiciens dans les musiques et instruments traditionnels de cultures les plus diverses.
Sur la scène, à gauche, Loy Ehrlich (claviers, kora, hajouj (basse des Gnawas du Maroc), sanza, et des sons magnifiques glanés lors des nombreux voyages et rencontres, bien calés dans les mémoires du clavier), un physique un peu à la Jean Jacques Annaud. Des instruments à corde traditionnels africains modifiés et électrifiés, de l'énergie, une grande sensibilité.
Au centre, Steve Shehan (percussions, les plus diverses et les plus improbables parfois : drumset, balais, gongs, ocean drum, hagini, crotales, ringcicks, cymbales, hang,...). Posture de tennisman (physique sportif, et sourire difficile à arracher, en partie sans doute à cause de l'extrême concentration qu'il met en oeuvre dans l'exécution de son registre. Une grande énergie et sensibilité, loin du bûcheronnage. Ce type a trois paires de mains. A l'écoute des CD du trio, on ne comprend toujours pas comment la manipulation d'une telle quantité de sonorités et de variétés de percussions est possible, quand bien même on vient de le voir sur scène. Les rythmes qu'il utilise et propose sont d'une grande variété, parfois inhabituelles en Jazz, et témoignent des influences et apprentissages dans les cultures africaines et asiatiques notamment. Et à un tel degré de technique et de maturité que je crois à quelque formation traditionnelle, voire shamanique (comme a pu me l'indiquer une personne connaissant bien le groupe), auprès de sociétés tribales. Les traces de ce parcours semblent évidentes à l'écoute de certains titres.
A droite, le lutin, le ludion Didier Malherbe (doudouk (flute arménienne à double hanche), flûtes en bambou, saxophone soprano, khen laotien (orgue à bouche), toupies...).
Un jeu aérien, sa poésie des mots se manifeste aussi dans ses mélodies. Sourire aux lèvres, clin à l'oeil, oeil pétillant et complice, joues dilatées uniquement pour le doudouk tenu au coin de la bouche, interventions verbales éthérées et qui nous emportent aussi facilement que sa musique, même son corps semble parfois vouloir s'envoler lorsqu'il rythme et se déplace sur son coin de scène.
Les 3 zèbres sont loin d'être des perdreaux de l'année. Ils ne vivent pas que par ce trio, mais ont une vie musicale personnelle bien remplie, et retrouvent ici un espace de communication et d'échanges pour les domaines qu'ils partagent.
Des CV longs comme le bras ; s'ils avaient dû recevoir des médailles pour tous leurs faits d'armes, il rendraient jaloux les plus titrés des généraux russes, si trouver un poitrail assez large pour tout épingler était possible.
Je ne résiste pas au plaisir de l'énumération suivante: collaborations avec Dylan, Higelin, Touré Kounda, tournée Amnesty International avec Peter Gabriel, Bruce Springsteen, Tracy Chapman, mais aussi avec Wasis Diop, Geoffrey Oryema, Sting, Leonard Bernstein, Mc Laughlin, Brian Eno, Paul Mc Cartney, Paul Simon,...,plusieurs compagnies de danse, des défilés de grandes marques, des musiques de films, la direction artistique de festivals (Essaouira), et quantité d'autres, artistes français et internationaux.... Pour les citer tous, cette page est trop petite!
Leur musique invite au rêve, aux grandes traversées d’espaces naturels mythiques, il y a des méharées, du St Exupéry, la rencontre du Jazz occidental et de la pensée tribale, dans ce qu’elle a de spirituel, d’animiste, de shamanique.
Le synthé de Loy Ehrlich est rempli de sons et de sonorités, captés sur le vif lors des nombreux voyages, servant tour à tour de ponctuation, d’accentuation, ou de ligne mélodique à la musique. La science des accords de clavier d’Ehrlich prend une place naturelle dans le trio, et son jeu des instruments à cordes est naturel, sensible, jusqu’au déchainé façon Rock-Star ou possédé par la musique, toujours en symbiose avec ses 2 comparses. Il se prend même à des duos de percussion avec Shehan, exécutés à partir du clavier, avec un grand savoir-faire (pièces de tablas indiennes par exemple). Il introduit aussi de nombreuses sonorités de fond qui donnent une couleur particulière, une ambiance propre à chaque oeuvre. Et je pense que c'est lui qui gère de ses claviers les effets sur les instruments à vent de Malherbe: effets retards, permettants à Malherbe de jouer et surjouer sur sa propre musique, échos,..., qui font parfois penser à l'écoute des CD que les instrumentistes sont plus nombreux qu'il n'y parait.
Steve Shehan fait parler les esprits par ses instruments. Les baguettes sont très peu utilisées, il leur préfère souvent les mains nues, plus directes, plus sensibles, plus variées dans leurs frappes. Il use aussi des balais. Mais de véritables balais, en fibres végétales, larges d’une vingtaine de centimètres. Les frappes sont moins sèches que les baguettes, mais donnent plus les timbres des instruments, et restent très puissantes lorsque nécessaire. Le son de ces balais est pour moi la signature sonore de Steve Shehan.
Didier Malherbe est tout en douceur, en complicité, en poésie, en humour. Lui aussi ponctue, accentue, ou donne la ligne mélodique, mais surtout ses interventions contribuent à l’aération, à la respiration des musiques.
Les instruments utilisés sont variés, jusqu’à l’improbable. (Je pense notamment, pour Shehan, à la boule métallique contenant de l’eau, hérissée de tige de différentes longueurs, travaillées à l’archet, ou bien au khen de Malherbe, étonnante hybridation de flute de Pan et d’harmonica, sans parler des toupies !….)
Cette sélection d’instruments facilite notre détachement des repères connus, et rend naturel l’accompagnement des musiciens dans leur périple musical.
Le concert : longue attente avant d’entrer dans la salle, pour cause de difficultés de réglage de balance. Une fois le public en place, quelques mots amicaux de Loy Ehrlich et surréalistes de Didier Malherbe, et c’est du coup tout de suite le départ. La musique est généreuse, les musiciens jouent avec coeur, échangent, se surprennent . Le public suit, avec grand plaisir; Le concert s’achève tard dans la nuit.
Une réussite : je conseille vivement le Trio, s’il passe à votre portée.
Sonorisation: volume des basses trop fort, et parfois un peu brouillonnes. Quelques légères imperfections de sonorisation, mais l'ensemble est plutôt de très bonne qualité.
La salle : bien dans l’esprit club de jazz ; très bonne proximité avec les musiciens, mais prendre garde à arriver tôt pour pouvoir choisir une place d’où voir les musiciens, cela participe à la perception, et à la qualité de l’émotion suscitée.
Les CD: La complémentarité entre concerts et écoute des CD est, comme bien souvent, évidente. La vue et l'énergie du concert transcende l’écoute des CD, permet de percevoir la dextérité, l'aisance, la sensibilité, l’'échange entre les musiciens, la part des instruments acoustiques et des sons provenants du synthé.
Le niveau de qualité sonore des concerts et des enregistrements de CD nous permet de retrouver tous les instruments, un à un, avec leurs timbres si particuliers et parfaitement reconnaissables. La continuité entre les 2 manières d'écouter la musique du Trio est d'autant plus évidente, on reste toujours dans le même univers sonore, même si les prises de son peuvent modifier certains effets de rendu:
Le morceau «Baldamore», de Shehan, lors du concert, nous embarque dans une charge énergique, puissante et inexorable, dans un vaste paysage. On est au coeur de cette course, dans ce mouvement que rien ne semble pouvoir arrêter tellement il est puissant et majestueux. Mais par contre, rien de tout cela dans le CD Utopies: juste un habile tambourinage, quelque chose qui court, mais sans l'’envergure et l'évidence ressentis au concert.
Par contre, les toupies roulant sur le tambourin («toupie tambour» du CD Utopies) sont rendues avec plus d'effets sur le CD où, à l'écoute, on a la sensation physique de voir la toupie rouler d’une enceinte à l’autre, en étant à tout moment capable de pointer du doigt sa position exacte dans la scène sonore.
La connaissance des CD permet aussi de mieux se rendre compte des variations, improvisations et digressions des musiciens au cours du concert, surprenant parfois leurs partenaires, jamais longs à s'’engager à leur tour sur la nouvelle voie proposée.
Ecoutez si vous le pouvez les CD avant l’achat, le style peut dérouter, l'’adhésion à ce style de musique est moins évidente en écoute CD qu’en concert.
Le double CD « Live à FIP » est un bon panorama de l’'univers musical du groupe.
Puis "Shamanimal" (nombreux titres repris dans le "live à FIP") et le récent "Utopies" :
Les 3 musiciens se produisent aussi de leur coté, en dehors du trio.
Vous pouvez continuer la découverte des musiciens et du groupe, ainsi que leur actualité, à l'aide des liens suivants :
http://www.didiermalherbe.com/loyfr.html
http://www.didiermalherbe.com/indexf.html
http://www.steveshehan.com
crédit photos: site internet didiermalherbe.com