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La Philharmonie de Paris: Banc d'Essai, et autres considérations ...

Après les rudes émotions des jours précédents, l'inauguration cette semaine de la nouvelle Philharmonie de Paris a ramené l’actualité dans des préoccupations moins urgentes et alarmistes.
Objet de curiosité, mais aussi de nombreux débats et inquiétudes, d’avis les plus enthousiastes comme les plus réprobateurs, selon le point de vue d’où se placent les analystes; le sujet "Philharmonie" est aussi complexe à démêler dans toutes ses implications.

Philharmonie-de-ParisLe nouveau bâtiment de la Philharmonie de Paris, en cours d'achèvement

Nous avons voulu nous faire notre propre idée de l'objet et de l'équipement, et proposer ce banc d’essai, comme nous faisons régulièrement avec les appareils musicaux qui semblent mériter la curiosité, et jusqu’à une attention soutenue pour les plus intéressants.
Nous n'écartons pas l'observation des débats et controverses, qui sont au coeur des problématiques de la vie musicale nationale.

La Philharmonie de Paris, c’est quoi ?

Le projet Philharmonie est défini comme une offre globale artistique, éducative et culturelle; c’est un ensemble d’entités, tant matérielles qu’immatérielles.
L‘élément le plus marquant est sans conteste la nouvelle salle de concert, la fameuse, tant réclamée, tant attendue, tout autant que tant décriée dans son actuelle matérialisation (notamment à cause de sa situation), dans ce nouveau bâtiment situé dans le nord de Paris, en bordure de périphérique, porte de Pantin. Ensuite, plus qu’une salle, dans ce même nouveau bâtiment, c’est aussi un ensemble d’équipements, d’autres salles de concert, de répétitions, d’expositions, d’ateliers, de classes. Dans ce lieu toujours, c’est une résidence accueillant plusieurs formations et ensembles, et au delà, c’est aussi la Cité de la Musique, voisine du nouveau bâtiment, qui est à présent intégrée dans la nouvelle entité « Philharmonie de Paris».

Philharmonie de ParisLa nouvelle Philharmonie (à gauche), au sud du périph, borde le Parc de la Villette et la Grande Halle (le rectangle blanc en bas à droite), et l'ex Cité de la Musique (à droite) qu'elle englobe désormais.

Le nouveau bâtiment qui tient l’actualité est une œuvre architecturale marquante (qu’on l’apprécie ou non), dont on considère avant tout la salle de concert de 2400 places (3600 en parterre « debout »), une jauge qui faisait cruellement défaut à Paris pour des concerts classiques.

Gestation et accouchement dans la tourmente

Sans refaire toute la genèse du projet, pour simplifier, on peut dire que c’est un éléphant de mer qui a fini par naître, appelé par de nombreuses personnalités musicales, dont Pierre Boulez (ce nom ne sort pas par hasard, et hante aussi les détracteurs du projet, et les observateurs de la musique contemporaine française). Enclenché par certains politiques, retardé par d’autres, remis en route, définancé, rattrapé, budget multiplié, architecte décrié (souvent à tort) et désavoué, une gestion peu collégiale, et une fin de chantier à problèmes, pour finir sur une inauguration bien trop précoce, qui laisse bien des questions en suspens. Pour la Philharmonie aussi, la vie est loin d’être un long fleuve tranquille.

Une architecture marquante, dans un site spécifique

 La Philharmonie est installée au Nord-Est de Paris. Emplacement à vocation urbano-sociologique, dans le projet de rééquilibrage de la capitale, engagé depuis des décennies avec la construction d’importants équipements publics dans l’est parisien. Bercy (le ministère des finances), la Bastille (l’Opéra bien sûr), la Cité des Sciences à La Villette, dans le nouveau Parc de la Villette, puis la Cité de la Musique, réalisée par Christian de Portzamparc, et enfin la Philharmonie, autant de projets qui redonnent du poids et de la valeur à des parties de Paris jusque là ignorées des décideurs, sous équipées, sous valorisées sociologiquement. Depuis, les entreprises privées et d’autres équipements poursuivent ces opérations urbaines de rééquilibrage, du Grand Stade à St Denis, en passant par le siège d’une grande banque dans les Grands Moulins de Paris, juste de l’autre coté du périph, à un jet de pierre de la Philharmonie. Et ça marche, ces arrondissements ne sont plus aussi « infréquentables » dans l’esprit des parisiens qui les regardaient de l’extérieur.

C’est évidemment ce « décentrement » de la nouvelle salle de concert classique qui semble défriser certains spectateurs habitués du théâtre des Champs Elysées et de Pleyel, prophétisant que personne n’oserait se perdre dans ces zones décentrées et inaccessibles (on sent l’inhospitalier proche dans leurs qualificatifs), au motif que ces nouveaux centres de la musique classique sont à plus de 2 stations de métro de leur cher 8° (voire « bon 17° »).
D’autant que, ô crime aggravant, pour favoriser le lancement et la réussite de cette nouvelle salle, par contrat, la salle Pleyel est pour plusieurs années interdite de concerts classiques.

Qu’on se rassure : la foule présente lors des journées portes ouvertes ce week-end prouve que les amateurs comme les curieux ne s’encombrent pas d’inutiles à-priori, et vont chercher la musique et les expériences nouvelles où elles se trouvent, dès que la promesse de qualité est au rendez-vous;

La Nouvelle Philharmonie est ainsi posée en continuité de la Cité de la Musique, en bordure du Parc de la Villette d’un coté, le long du périph de l’autre. Inutile de dire qu’il a été tenu compte de l’un et de l’autre, par des ouvertures plongeantes depuis les foyers d’un coté, et par une construction acoustique performante de l’autre (salles de concert désolidarisées de la structure, prouesse technique efficacement réalisée).

Alors, ce nouveau bâtiment, cette nouvelle salle ?

 Et bien c’est pas encore fini. Une fois vu l’avancement actuel, on donne raison à l’architecte (Jean Nouvel) d’avoir poussé sa récente gueulante, et boudé officiellement l’inauguration présidentielle cette semaine. Renseignements pris (sur le site de Jean Nouvel), on comprend ses motifs de râlage sévère: on lui colle sur le dos les dépassements de budget, alors qu’il n’a été responsable ni des interruptions de chantier (décisions de politiques mal avisés qui ont voulu pilonner les décisions de prédécesseurs), ni des nombreuses sous évaluations initiales du projet, ni des défauts de pilotages. Et au surplus, on a intégré sur le tard un coast-killer sur le projet, et une direction qui semble fonctionner sur d’autres méthodes décisionnelles que la collégialité. Architecte désavoué par l’organisme, budgets rognés de manière non contrôlée (le coast-killing est aussi désastreux sur ce type de projet que sur les appareils Hi-Fi : mené par des financiers, en pensant économiser sur ce qui leur semble du superflu, et en pensant avant tout aux dépenses à court terme, c’est trop souvent la qualité générale qui trinque, tout ce qui fait la vrai qualité d’une production, et pour un bâtiment, ce qui est économisé en frais de construction se paye en multiples sur les frais d’entretien ou de fonctionnement).
Pour le dire tout net, ce week-end portes ouvertes, comme les concerts d’inauguration, sont des visites en cours de fin de chantier, et des premiers tests. Comme l’ont envisagé Jean Nouvel et nombre de personnes averties, il reste un long travail de finition (essentiel, c’est là que se joue la réussite d’un bâtiment ou non), et surtout un rodage et des réglages, notamment acoustiques, qui n’ont pas pu être menés. Selon les délais initialement prévus, ces inaugurations arrivent presque un an trop tôt, il y aura un certain nombre de choses à affiner, mais dans des conditions rendues plus difficiles par le démarrage officiel des activités. outre l'achèvement des travaux (et alors même que les finitions fragiles sont déjà en place), il faut encore faire venir de nombreuses formations, pour évaluer le comportement des salles, et ajuster progressivement cette acoustique novatrice et semble-t-il prometteuse.

Voyons ce que ça donne en vrai :

Philharmonie-de-ParisL’accès, la découverte :

En sortant du métro (Porte de Pantin), sortie face à la Grande Halle de la Villette et la Cité de la Musique, on repère tout de suite dans le prolongement le nouveau bâtiment, et sa façade à brisures façon miroir miroitant (qui n’en est pas un).

Philharmonie-de-ParisPhilharmonie-de-ParisQuelques minutes de marche, l’objectif toujours en vue, des escalators nous montent sur l’esplanade, pavée des oiseaux reprenant le motif des grands volumes aériens. On voit des angles, on progresse sur des sols inclinés, et l’entrée est là, naturelle et accueillante (sauf aujourd’hui: entrée libre, mais faut redescendre le long de la file d’attente pour prendre son tour).

Philharmonie-de-ParisVenu avec l’espoir de pouvoir parcourir l’ensemble des locaux (mais pas assuré de ça, le programme des journées ne causant que d’ateliers et concerts à des heures et dans des lieux définis), je me retrouve avec l'opportunité d'accéder au concert de 16h, dans la grande salle (celle que je veux voir en priorité). Heureux hasard: Lang Lang y est programmé, pour des œuvres à 101 pianistes, et 1 masterclass. Au moins, je suis assuré d’avoir du piano de concert !
Une bonne heure et demie d’attente devant la façade principale (accès haut), ça laisse le temps de regarder l’architecture. Incomplète, il y a des trous de revêtements, et aussi des manques de sous structure porteuse. Néanmoins, les parties avancées donnent une idée de la « texture » globale. Et c’est plutôt pas mal vu.
Je ne suis pas un grand fan de Jean Nouvel (ni du bonhomme, ni de ses architectures, même si je considère un certain nombre d’entre elles comme intéressantes à remarquables), mais je dois dire qu’il a ici pensé les choses sainement, avec des parti-pris et une esthétique intéressants, de vraies trouvailles des choix de vocabulaires architecturaux très intéressants sur certains dispositifs techniques et esthétiques. Globalement une architecture forte, des contrastes et juxtapositions de lignes et angles non droits (surfaces verticales), avec des courbes qui s’insèrent harmonieusement suivant différents dispositifs plastiques.

Philharmonie de ParisLe revêtement haut est une sorte de frise faisant irrésistiblement penser aux œuvres de MC Escher
La bonne trouvaille est d’avoir réalisé sur ces grandes masses verticales un effet de miroitement « fixe », comme aurait pu le faire un revêtement à la Frank O Gehry, mais dit dans le motif (ici par un puzzle oiseaux/feuilles, qui se décline aussi sur le sol de l'esplanade haute, et sur le toit du bâtiment), par le jeu des "contrastes retardés" des éléments de ce puzzle. Et même fixe, ce miroitement imprimé sait jouer avec la luminosité changeante, le soleil, selon les différents plans brisés.

Inséré dans l’anfractuosité de la façade, du vrai miroir ondoyant, vu de loin comme des écailles, qui apparaît à l’approche comme un tressage, comme de la vannerie, sur support « organique », ondulant.

Philharmonie-de-ParisNon, ce n'est pas le blindage tressé d'un nouveau cable, mais bel et bien la surface ondoyante du bâtiment ...Philharmonie-de-ParisEt ce revêtement miroir (des feuilles de métal) se paye le raffinement et l'idée surprenante et efficace d’être micro-perforé pour les parties en hauteur, en face des ouvertures vitrées permettant la vision vers l’extérieur depuis l’intérieur des bâtiments (coursives et foyers).

Philharmonie-de-ParisEspace d'exposition ?
A l’intérieur, grands espaces : accueil, circulations, escaliers, foyers sont de vastes espaces publics, avec là encore peu de lignes à l’équerre, tout en angles inhabituels (les moindres percements, changements d’espaces ou de niveaux, et ouvertures vers l’extérieur)

Philharmonie-de-Parisavec encore des courbes organiques données par les revêtements de plafond, constitués de lamelles métalliques dont le relief général ondule lui aussi, en même temps que les teintes sont, à la manière des motifs des grandes surfaces externes, panachées en mouvements et camaïeux comme des reflets. Rien d’ostentatoire ou de tape à l’œil, mais de l’inhabituel qui sait rester chaleureux, intimiste, bienveillant, malgré le vocabulaire résolument contemporain.

Les balcons suspendus jouent eux aussi le rôle de déflecteurs de sons, tout autant qu'ils permettent la propagation du son autour et derrière le spectateur  Philharmonie-de-ParisLes sols partent parfois en pentes douces, préfigurant le vocabulaire "organique" de la grande salle.
Les ouvertures sur l'extérieur, depuis les circulations et foyers, se font à l'étage soit au travers des surfaces métalliques tressées micro-perforées,

Philharmonie-de-ParisVue plongeante vers le bâtiment de la Cité de la Musique

soit par des baies insérées de manière surprenante et agréable, avec des volumes spécifiques et des jeux de miroirs qui créent des surprises spatiales.

Philharmonie-de-ParisPhilharmonie-de-ParisVue sur l'environnement extérieur. Au loin, les Grands Moulins de Paris, récemment réinvestis

Accès à la Grande Salle

Depuis les circulations-foyers, on traverse des « sas » sombres, puis des passerelles relient les circulations à l’arrière des gradins

Philharmonie-de-ParisPhilharmonie-de-ParisOù on découvre que la salle est un espace aéré à 2 enveloppes, l'une ouverte et l'autre close, il a été prévu que l'air et le son puissent circuler derrière les balcons et gradins, augmentant la sensation d'immersion dans la musique et les sons.

et enfin on découvre la salle

Philharmonie de Paris-100C'est, je dois le dire, un véritable choc esthétique.
Par le volume inhabituel, par la douceur générale, par l'impression de confort, par l'harmonie des formes et des masses, par les tonalités de couleurs et de lumières. Malgré le caractère tout à fait inhabituel du lieu, la pente abrupte des gradins, le grand volume profond sans "protection" par garde-corps marqués, l'absence de murs droits, et de plafonds et sols plans bien différenciés, malgré le vocabulaire résolument contemporain n'empruntant aucun des éléments familiers classiques des salles de spectacles, on se sent bien, sans la moindre sensation de vertige ou de perte de repères, le lieu est remarquablement accueillant, et même "bienveillant". Le confort voulu et programmé pour le spectateur est indubitablement présent.

http://youtu.be/FLZ1mp6sHcg

(Ne pas hésiter à afficher la vidéo en grand - bouton en bas à droite-, et en haute résolution grâce à la petite roue dentée, toujours en bas à droite de l'image).
De quelque endroit que l’on pénètre (parterre, balcons divers), c’est une vraie surprise. L’endroit est ouvert, aéré, la lumière et les structures sont douces, tout en courbes, légèreté, en même temps que stabilité. Les dominantes sont strictes : bois clair, noir/bois sombre, et blanc. Tout est inclus dans ces dominantes.

La salle est aménagée en structure de type "vignoble", adoptée par nombre de grandes salles mondiales, avec aménagements en "terrasses" entourant la scène de tous côtés (par opposition avec les salles plus traditionnelles dites "en boite à chaussures", qui proposent un accès frontal à la scène).

Les réflecteurs nuage en finition blanc et bois sont admirables, leur esthétique est en elle même une oeuvre d'art à part entière, donnant à voir selon les plans et les cadrages autant de tableaux ou de sculptures d'une qualité esthétique remarquable.

Philharmonie-de-ParisPhilharmonie-de-Paris Philharmonie-de-Paris Philharmonie-de-Paris Philharmonie-de-Paris Philharmonie-de-ParisLeur dimensionnement, leur positionnement a été préréglé par l'intermédiaire d'une maquette au 1/10°, à partir de laquelle les acousticiens ont réalisé des mesures, et opéré des choix de dimensions, positionnements, courbures, orientations, dans le but que chaque spectateur puisse bénéficier de la majeure partie des messages sonores, avec le maximum de respect d'équilibre tonal et de niveau. Les expérimentations doivent encore se poursuivre pour affiner ces réglages, en situation grandeur réelle cette fois, avec de vraies formations musicales, dans une salle en fin d'achèvement.

Les balcons suspendus jouent eux aussi le rôle de déflecteurs de sons, tout autant qu'ils permettent la propagation du son autour et derrière le spectateur

Philharmonie-de-ParisLe nuage technique central (lumières, et réflecteurs) est mobile (modification des éclairages, et réglages des réflexions acoustiques)

Les balcons suspendus jouent eux aussi le rôle de déflecteurs de sons, tout autant qu'ils permettent la propagation du son autour et derrière le spectateur  Philharmonie-de-ParisLes gradins situés derrière la scène sont modulables, et peuvent s'effacer pour laisser la place à une arrière scène, pour les concerts électro dont les haut-parleurs nécessitent un visionnage frontal de la scène. En configuration acoustique, ces places de fond de scène accroissent les possibilités de places au plus près des musiciens, et permettent de voir la direction de la formation, ainsi que les musiciens et le reste de la salle. Expérience de plus en plus recherchée dans les grandes salles mondiales déjà configurées de la sorte.

Quelques mots sur l'orgue:

La grande salle intègre un nouvel orgue, réalisé par une entreprise autrichienne, avec la collaboration d'un grand harmoniste français, ce qui garantit une esthétique sonore "à la française", toute différente de la germanique. Quelques tuyaux apparaissent sur un des déflecteurs de son, les autres (quelques milliers), ainsi que la console, sont (seront) situés derrière des panneaux amovibles ou pivotants immédiatement derrière. Nombreux jeux adaptés au répertoire symphonique.

Philharmonie-de-ParisJuste derrière les quelques tuyaux de l'orgue symphonique, les panneaux s'effacent pour laisser apparaître la console et une partie des tuyaux, positionnés sur plusieurs étages.

Ecoutes, acoustique:

Le son de la salle est confortable, "naturel", pas trop feutré, ni trop résonant. Le test de clap des mains (à l’avant du 2° balcon) fait apparaître un temps de réverbération long, mais pas l'écoute des sons venant de la scène.

Les balcons suspendus jouent eux aussi le rôle de déflecteurs de sons, tout autant qu'ils permettent la propagation du son autour et derrière le spectateur  Philharmonie-de-ParisDispositifs acoustiques de diffraction des sons: cubes de bois sur le balcon suspendu, et anfractuosités cubiques dans le staff (mieux visible sur d'autres photos).

Les seuls matériaux acoustiques absorbants sont les fauteuils et le public. Le parti pris a été de traiter l'acoustique par réflexion et diffraction, et bien sûr par les volumes généraux, et comme indiqué le principe de double enveloppe, qui permet la circulation des sons. La diffraction a été optimisée par de petits blocs de bois placés là où les études acoustiques et les mesures sur la maquette le préconisaient, par des anfractuosités cubiques réparties dans le staff de l'enveloppe externe (plafonds et haut des murs de l'enveloppe externe. La réflexion est, elle, réglée par les nuages convexes (formant bosse coté spectateurs), et par les faces externes des balcons suspendus.

Pour cette première confrontation, nos écoutes se font avec des pianos de concert, avec Lang Lang.

L’écoute des instruments sur scène est plus directe que le test de clap (logique, le temps de propagation est divisé par rapport aux échos). L’équilibre général ne fait pas apparaître de défaut marquant, avant même les réglages acoustiques encore à opérer.

En écoute instrumentale, pas de souci avec les réverbérations tardives, les réverbérations sont suffisamment atténuées ou bien redirigées pour ne poser aucun souci. Pour les places les plus éloignées, même si l’écoute est des plus satisfaisantes et sans défaut notoire (et la vue de la scène toujours pleine et entière, à chaque place), la distance à la scène fait logiquement perdre en détails et dynamique. Pour des petites formations ou instruments solo, je conseille un placement proche (parterre, balcons proches ou arrière de scène), les places reculées gardant l’intérêt pour les grandes formations et les concerts électro-acoustiques.

La Philharmonie de Paris, avantages et inconvénients

Ce nouvel équipement, attendu, ne fait pas que des admirateurs et des contents. Il y a, outre l’anecdote des personnes regrettant la décentralisation parisienne du site, celles qui craignent à la fois le retour d’un syndrome Boulézien: le phagocytage de l'essentiel des moyens financiers alloués à la musique classique, et la concurrence souvent jugée déloyale d’une grande salle et d’un organisme à financement public. C'est là tout l'enjeu de la réussite de ce nouvel équipement, à la fois Docteur Jekyll et Mister Hyde: sera-t-il une locomotive, moteur fédérateur et fertilisant de l'activité musicale classique parisienne et française, ou deviendra-t-il un trou noir, aspirant de manière quasi monopolistique l'essentiel de l'offre des concerts -grâce à son financement public qui non seulement le protège, mais lui autorise des surenchères et exclusivités sur les engagements des formations et artistes, ce qui serait désastreux pour les autres salles et manifestations ? on craint tout autant qu'une majeure partie des dépenses publiques dans le domaine musical ne soit réservé de fait à ce nouveau géant, tout autant que les offres du mécénat, au détriment des investissements et financements de tous les autres lieux et structures à vocation musicale, et alors même que les régions souffrent dramatiquement des réductions généralisées de budget consacrées aux formations résidentes, aux conservatoires, et à tous dispositifs liés à la formation et aux spectacles musicaux. C'est là semble-t-il tout l'enjeu actuel de l'entité Philharmonie dans son ensemble, bien au delà des questions sur la simple réussite de la seule nouvelle grande salle parisienne, qui était, elle, indispensable.

En quelque sorte, ce nouvel équipement est condamné à réussir, avec une part d'autonomie financière la plus poussée possible, non seulement pour lui, mais au delà, pour laisser du champ et surtout des moyens aux autres organismes et structures musicales, tant parisiens que régionaux.

Nouveau bâtiment Philharmonie de Paris, notre appréciation:

Projet architectural: **** (appréciation subjective personnelle)
Insertion dans le site: **** (idem)
Qualité de construction/finitions: ***/**** (sous réserve : bâtiment non achevé, et sous régime « coast killer »)
Fonctionnalités: ***** (concerts -ouverture à tous types de musiques-, résidences, formations et éducation, expositions, ...)
Coût de construction: *** (cher, mais conforme à ce type d’équipement)
Coût de fonctionnement (bâtiment, institution): ** (mais conforme à ce type d'établissement)

Grande salle :

Esthétique: *****
Construction: ***** (sous réserve du bon achèvement des finitions)
Fonctionnalités: ***** (adaptées à de nombreux types de manifestations)
Acoustique: ***** (déjà sans défaut notoire, bien partie pour être remarquable)
Positionnement par rapport à la concurrence: pas d’équipement de cette envergure existant, ce projet était indispensable.

Nous avons aimé: l'esthétique et la qualité architecturale de cette salle novatrice, le confort pour les spectateurs, mais aussi pour les musiciens et techniciens
Nous aurions aimé: une inauguration et une mise en route travaux finis, et moins d'atermoiements et de dérives dans la conduite politique et économique du projet dans son ensemble, qui sont pour une très grande part dans les surcoûts et dépassements de budget, et grèvent le parfait achèvement conformément au projet initial.

Nous espérons pouvoir par la suite expérimenter ce beau lieu, cette fois-ci avec une formation symphonique, voire avec choeurs, cette salle laisse augurer de beaux moments aussi dans ce registre.

Photos: Enceintes et Musiques