compte rendu de conférence et remarques autour de la question:
"Comment mettre en évidence la personnalité d'un produit par l'écoute"
Conférence donnée par Patrick Vercher et Jacques Vallienne, de la revue STEREO et IMAGE, lors du salon de la Hifi à Paris en mars 2008.
4 conférences étaient organisées à l'invitation de Philippe Muller, responsable produit chez le constructeur B&W et créateur du label "Passavant", nous vous proposons le compte rendu de celle dont le thème pratique nous a paru particulièrement pertinent et instructif.
"Comment mettre en évidence la personnalité d'un produit par l'écoute"
En guise de préambule, nous soulignons juste que les 2 auteurs de cette conférence ne sont pas, en Hifi, des inconnus ou de jeunes loups venus ici déverser leur savoir universitaire, mais 2 journalistes et rédacteurs, bien connus dans le petit monde de la Hifi, passionnés, oeuvrant dans l'édition sur matériel musical et l'électronique depuis de nombreuses années, et ayant collaboré avec succès à une grande partie des titres actuellement disponibles.
La revue Stéréo et Image (1° numéro en 2006) a réussi à trouver rapidement sa place dans un secteur difficile et concurrencé.
Le savoir technique, l'expérience des auteurs sont grandement utiles dans les essais d'appareils et leurs comptes rendus, selon des modalités intéressantes sur lesquelles nous reviendrons en fin d'article.
Comment donc mettre en évidence la personnalité d'un appareil?
La question est d'importance, dès lors qu'il s'agit de constituer, peu à peu ou d'un bloc, un ensemble d'appareils destinés à permettre le meilleur de la reproduction musicale.
premier point abordé, base de départ incontournable:
En l'absence de facultés particulières, d'appareils et de salles de mesures, de compétences spécifiques, et même avec, le premier élément est de se constituer un référentiel de jugement le plus pertinent et efficace possible.
En effet, par le système que l'on se constitue, c'est à priori l'original de la musique que l'on cherche à recréer dans des conditions domestiques, la musique vivante, acoustique (c'est à dire en audition directe de voix et d'instruments non électriques) avec des instruments, des voix, une salle, une présence spatiale.
Le but d'un système correctement mis en oeuvre est de reproduire la musique vivante avec le maximum de réalisme, pour en retrouver les informations, les sensations, les émotions, le plaisir, la sensation du vivant qui passe par beaucoup de critères, capacités spécifiques.
Le référentiel à préférer est le concert acoustique, et fait appel à la mémoire auditive. Pris en bloc, pas grand chose à en tirer d'efficace, mais en portant attention à certains critères, il y a là de quoi trouver des outils de jugement et d'échelonnement des performances.
Il s'agit dans les lignes qui suivent de proposer des éléments aidant à la sélection et au jugement de valeur d'éléments ou de systèmes.
le concert, référentiel acoustique:
Quelques points et critères où porter son attention et son écoute. Le concert classique est, par sa variété d'aspects acoustiques, son ampleur, ses subtilités, sa richesse, idéal pour fixer les éléments repères.
-écoute générale: il faut s'enquérir de l'ambiance avant l'interprétation. Les infos, les bruits, la réverbération, le volume acoustique.
Il faut rechercher, à l'écoute, la cohérence: la salle d'écoute doit être "remplie" lors de la retranscription.
Il y a soudainement à activer d'autres sens que la vue, vue qui monopolise généralement plus de 80% de l'ensemble de nos sens perceptifs. Il faut volontairement faire primer l'ouïe, et aussi la sensation de l'espace (6° sens, bien réel et avéré, avec lequel il faut développer sa réceptivité).
-écoute ponctuelle d'une section d'instrument:
Comment est le grave (lourd, moelleux, épais,...) ? quelle est sa qualité ? Le grave réel des concerts est mordant, rapide, réel, souvent bien éloigné de ce que proposent la majorité des systèmes.
Ecouter aussi le timbre du grave (la couleur et les harmoniques de l'instrument, en général très riches).
-écoute des médiums (fréquences moyennes, entre les graves et les aigus, là où sont les voix et la majeure partie des instruments). Les violons par exemple. Les sons sont multipliés, mais leur association est harmonieuse. Il doit être possible de localiser les pupitres, et de suivre leur étagement en profondeur.
Les cuivres attaquent, sont ponctuels, et directifs dans l'espace.
Le piano est difficile à rendre. les cordes sont croisées, rendant la prise de son délicate. Leur attaque est primordiale, il faut suivre ensuite la formation des timbres, les accords sympathiques (des cordes non frappées qui vibrent par sympathie, excitées par les fréquences multiples des leurs), la décroissance des timbres, le prolongement et la superposition sur les attaques suivantes.
Le suivi mélodique du piano doit être très fluide, on doit ressentir des infos dans les silences, les liens, et non une simplification et des trous, afin d'accéder naturellement à l'émotion.
Ces points, parmi d'autres, constituent les références acoustiques à prendre en compte. Il est particulièrement important de ne pas utiliser en référence d'autres écoutes de systèmes acoustiques, vous risqueriez de passez à coté de vraie qualités et de vrais progrès dans le réalisme de la restitution.
Sur les critères indiqués, prenez des références précises, en portant attention au type et à la qualité des sons.
Ensuite seulement, il est possible d'aborder l'évaluation de systèmes de retranscription.
Un système peut s'évaluer globalement, ou élément par élément.
Prenons cette manière, élément par élément:
1° la source.
C'est l'appareil qui extrait l'information musicale du support (CD, DVD, mémoire, ondes radio, ...). Les lecteurs-convertisseurs et les tuners doivent avoir une bonne structure harmonique.
Dans les bancs d'essai effectués par la revue Stéréo et Image, la source qui lit le plus bas niveau est jugé le meilleur, car il permet d'exprimer toutes les subtilités et micro détails, sans les gommer, les limiter, les simplifier (reprises de souffle des musiciens,...). Le maximum d'information est donné par le lecteur le plus analytique possible.
2° l'amplification.
Elle est toujours réalisée par une partie préamplification et une partie amplification de puissance. 2 solutions: en éléments séparés, préampli et ampli, ou les 2 dans un même coffret, on a alors un amplificateur intégré. En éléments séparés, il est impossible de savoir à l'avance si la compatibilité des 2 est bonne ou non sans expérimentation (sauf appareils prévus par le constructeur pour travailler ensemble).
Le préampli est la partie la plus délicate. Peu sont excellents, et se pose aussi le problème de l'association avec l'ampli.
Pour un préampli, il faut rechercher:
-un bruit de fond minimum car la source apporte un signal de faible niveau, surtout en analogique. Un bruit de fond non négligeable viendra s'ajouter au signal musical. Pour le tester, il faut rechercher le moins de perturbation possible (pas de bruit) lorsque l'on pousse le volume sans avoir raccordé de source.
-la dynamique (capacité à émettre des sons de très faibles à très forts sans bouger le volume) qui nécessite elle aussi un bruit de fond le plus faible possible.
L'ampli de puissance:
-dynamique et bruit de fond.
Pour donner une échelle de valeur, la dynamique théorique d'un CD est de 96 dB. En pratique, obtenir 30 dB est gigantesque. (1 Watt auquel on applique une dynamique de 30 dB devient 1000 Watt).
En amplification, la bagare est la chasse au bruit. Un rapport signal/bruit supérieur à 50 dB est déjà intéressant (j'espère que je n'embrouille pas trop le propos - ndlr-).
-la rapidité de l'établissement des sons.
En concert, les attaques sont importantes dans l'établissement d'un son: fontamentales, et harmoniques.
Le temps de montée influe sur la bande passante (l'étendue des fréquences, de la plus grave à la plus aigüe), et sur les timbres (ce qui caractérise un son, et différencie une note faite par un instrument et la même note faite par un autre instrument).
La puissance de l'amplificateur n'a pas forcément besoin d'être démesurée. Une puissance moyenne est souvent suffisante, et à déterminer plus attentivement dans le cas d'enceintes difficiles (voir les courbes de consommation des enceintes).
L'adaptation préampli/ampli n'est vérifiable qu'à l'écoute (adaptation d'impédance,...). Il est impératif de les tester ensemble. Même si chaque appareil est exceptionnel, rien ne laisse présager que l'association le sera.
L'association d'un pré et d'un ampli d'une même marque sécurisent l'assemblage. A défaut, essais impératifs avant validation.
3°Les enceintes.
A essayer avec des enregistrements de concerts, de piano, et des voix.
Un test simple: écoutez les d'une pièce voisine. Quel est le réalisme? avez vous envie d'entrer? Idem écoutes dos tourné vers les enceintes: la présence de la musique est-elle réaliste?
Le réglage de la phase est primordial dans les enceintes. Elles agissent en jouant avec l'effet Doppler (micro retards de sons) pour recréer une spatialisation. Il est ainsi possible de créer des sons semblants provenir de l'arrière, droit ou gauche, avec un système stéréo frontal.
Un problème dans le phasage, soit entre les enceintes, soit pire entre les différents haut parleurs d'une même enceinte (nota, en passant: d'où l'impérative nécessité d'avoir les mêmes cables sur toutes les voies des enceintes), dénature la spatialisation et les timbres. Un déphasage faible (2 à 4 °, -donnée quelque peu abstraite j'en conviens -ndlr-) ne se perçoit pas, mais il se ressent.
Il faut ainsi analyser plusieurs éléments:
-la profondeur (les sons proviennent parfois simultanément (concert) de plans plus ou moins éloignés),
-l'ambiance, l'impression de stabilité, le réalisme des voix,
-la voix doit rester stable, en général au milieu dans un système stéréo, une soprano pêchue ne doit pas donner l'impression de se déplacer en fonction de la hauteur des sons.
Les timbres: Ils sont à juger sur les enceintes, mais avec l'ensemble du système.
Attention avec les enceintes. Avec elles, il est important de ne pas rechercher ce qui impressionne, les effets (dont on se lasse très vite tellement ils sont systématiques, ne choisissez jamais une enceinte pour eux). Mais attachez vous à la capacité à transcrire la subtilité, et le changement d'ambiance acoustique et de rendu à chaque changement d'enregistrement. Impressionner est simple, laisser le naturel s'exprimer avec évidence, avec la majorité de ses caractéristiques propres et différenciées est bien plus délicat.
Attention aussi aux "faiseurs", aux miracles sortis d'on ne sait où. Dans le domaine des enceintes, l'expérience est essentielle.
PETIT RECAPITULATIF
synthèse des éléments d'analyse ponctuels et globaux:
-se faire un référentiel réaliste de musique vivante -concert-, au cours duquel on porte attention à certaines caractéristiques,
-écouter et juger les éléments séparés, puis globalement.
Les remarques et conclusions que vous pourrez faire ne seront valables que pour les configurations écoutées, des maillons identiques auront des rendus différents avec des associations différentes:
-UNE SOURCE PURE pour extraire le maximum du support enregistré. Chercher la transparence et les détails,
-LE BONHEUR EST DANS LE PRE: une préamplification bio, sans ajout de bruit de fond,
-AMPLIFICATION: LA PUISSANCE N'EST PAS TOUT. Neutralité, réserve de puissance nécessaire pour certaines enceintes
-ENCEINTES: c'est par elles que la musique s'incarne. Elles sont la voix qui chante. Elles doivent savoir tout faire, mais sans jamais laisser transparaitre des manières, une caractéristique marquée, des tics récurrents qui finiront toujours par lasser, voire agacer. Seules, la musique et la voix doivent s'exprimer. Si l'enceinte doit avoir une personnalité, c'est par la richesse, la subtilité, l'ampleur, l'adaptabilité, et surtout le vivant et le réalisme de la musique, des instruments, des musiciens, des espaces sonores.
-ASSEMBLER le tout, vérifier la cohérence et les critères de qualité musicale: réalisme, vie, transparence, détails, scène sonore, acoustique, puissance, subtilité,...