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Dans les ateliers Jean Marie Reynaud: visite - épisode 1

Comme promis, Enceintes et Musiques vous propose une visite exceptionnelle, dans les ateliers JMR. Nous vous faisons voir de manière concrète comment sont conçues et fabriquées les enceintes de la marque.

Les enceintes, et le nom Jean Marie Reynaud suscitent bien des curiosités.
"Quoi, qui, pourquoi, comment ?", on voudrait souvent en savoir plus, beaucoup aimeraient s'approcher des sources de ces machines à musiques, et des personnes qui les conçoivent et les produisent; pour comprendre, et pénétrer un peu cette sorte de mystère magique: comment des assemblages de matières et de composants peuvent permettre d'obtenir une restitution sonore et musicale qui flirte à ce point avec le réel, et en quoi ils y parviennent mieux que d'autres ? Comment sont mis en oeuvre la technique et les constituants d'une enceinte pour arriver à ces résultats ?
Pour répondre à ces questions, nous vous faisons pénétrer au coeur de l'univers JMR.

Jean-Marie-Reynaud-atelier -enceintes-JMR-Jean-Claude-ReynaudUne des salles de l'atelier JMR: quelques ébénisteries à différents stades de préparation

Cette idée de vous faire partager une visite des locaux de l'entreprise, et de vous faire "toucher de l'oeil" quelques-unes des étapes de réalisation des enceintes, me trottait dans la tête depuis longtemps. J'ai profité d'un passage prévu à l'entreprise JMR pour envisager avec Jean Claude Reynaud ce projet d'articles. Projet présenté en amont, et accepté (merci !), j'ai sur place pris le soin de capter les éléments propres à vous faire partager "par délégation" ce tour des locaux de l'entreprise.
Ces ateliers ne se visitent pas. C'est donc ici une occasion exceptionnelle de les découvrir. Je ne vous montre pas tout, je ne vous dis pas tout; il n'est pas possible de donner toutes les informations et explications des process généraux, et des pratiques spécifiques aux modèles JMR: d'une part parce que ça serait trop long, et d'autre part certaines informations sont "sensibles"; je tâche néanmoins de vous proposer une vision générale, et quelques aspects particuliers des lieux, des procédés, des techniques de réalisation des enceintes de la marque.

Jean Marie Reynaud, ou JMR, est à plus d'un titre un nom emblématique, qui éveille bien des images chez les amateurs de musique et de retranscription musicale de qualité, suscitées par les enceintes proposées au public. Le nom lui même "signifie" (au sens "Saussurien" du terme) des entités distinctes:
-l'homme, Jean Marie,
-la marque éponyme (Jean Marie Reynaud - JMR),
-les appareils proposés à l'amateur, ("non ... ! tu as vraiment des JMR ?")
-et l'entreprise.

Vous avez pu connaitre l'homme, Jean Marie, et son fils Jean Claude, lors de salons, vous avez quelques infos et connaissances de la marque, vous savourez les produits et créations, soit en les utilisant au quotidien, soit parce que vous avez un projet en cours ou qui vous chatouille l'esprit, ou bien cette marque excite la curiosité, suscitée par sa renommée bientôt cinquantenaire. La découverte de l'entreprise en tant que telle est une autre étape de cette connaissance.
Se retrouver dans ces lieux, c'est se glisser dans l'atelier d'un Maître Artisan dont on apprécie les réalisations spécifiques. Voir et comprendre un peu plus, sentir les atmosphères, et d'une certaine manière approcher la dynamique de réalisation des matériels de la marque, c'est ce que je vous propose ici.

Présentation préliminaire, génèse ...

JMR, c'est quoi, c'est qui ?
Créer des enceintes, oui, Mais pourquoi ?

C'est, historiquement, Jean Marie Reynaud, qui, après quelques années passées chez des fabricants d'électroniques, avec une solide expérience musicale (piano) et un grand appétit d'écoutes de qualité, a commencé à concevoir et construire pour lui-même des enceintes capables de produire le son musical auquel il aspirait, et qu'il ne trouvait pas dans les propositions d'alors. Encouragé par la réception de ses premières réalisations, et les demandes croissantes de son entourage, Jean Marie a sauté le pas, et a débuté professionnellement sa carrière de "facteur d'enceinte". Il a créé la marque à son nom, avec dès le départ la volonté de rechercher et de proposer la musique au plus près de ce qu'il aime de la musique vivante.
Toute sa vie, Jean Marie s'est rendu à de nombreux concerts, se déplaçant régulièrement pour des évènements majeurs (jusqu'à la Roque d'Anthéron, la Folle journée de Nantes, la Baule, ...), côtoyant au plus près instruments et musiciens, se liant d'ailleurs avec certaines belles personnalités. Et toujours se servant de ces nourritures sonores pour pousser plus loin les aptitudes musicales de ses créations.

Définir la cible !

Dans son atelier, dans son labo, dans ses calculs, dans ses expérimentations, Jean Marie a toujours cherché ce qu'il nomme son "son rêvé", celui de la musique vivante réelle, en en connaissant le caractère inatteignable par la retranscription, mais cherchant à s'en rapprocher toujours plus avec des niveaux d'exigence s'élevant au fur et à mesure des avancées. Et pour cela, retravaillant inlassablement chaque élément constitutif d'une enceinte, des matériaux, aux composants, architectures, conformations, avec des aspects électriques, électroniques, acoustiques, mécaniques, souvent interagissants, constituant une formule de travail à variables très multiples. La complexité est omniprésente, elle doit être travaillée par unités, et dans le même temps dans une globalité, pour aboutir à l'évidence des sons les plus naturels possibles, dans leur équilibre, dans l'expression des moindres de leurs aspects.
Cible définie, mais complétée avec la contrainte supplémentaire de pouvoir être intégrée dans une écoute se pratiquant dans un environnement domestique, avec des électroniques courantes (mais de qualité), en tâchant de tirer le meilleur possible de ces conditions d'écoutes, qui sont celles de l'amateur de musique "normal". L'enjeu et le but à atteindre sont bien là.

L'épouse de Jean Marie, Solange, est partie intégrante du projet: elle a activement accompagné Jean Marie, elle l'a soutenu, équilibré même, envisagé avec lui les décisions importantes. Elle continue aujourd'hui avec Jean Claude, et reste un des piliers majeurs de cette belle aventure.
Jean Marie s'est vite forgé une grosse réputation dans le milieu, jusqu'à gagner le surnom de "Sorcier de Barbezieux" par lequel le distinguent et le désignent nombre de critiques et journalistes de ce secteur d'activité; Titre gagné notamment pour sa capacité à gérer et optimiser avec une certaine réussite les charges (les volumes intérieurs des enceintes) de manière spécifique, à leur faire dire des choses peu accessibles à d'autres constructeurs, à trouver souvent des équilibres et des qualités au delà de ce que les fabricants de composants arrivent à faire eux mêmes de leurs propres productions (avec certains HP notamment).

Constatant l'inadéquation des offres matérielles et des connaissances techniques avec ses besoins, et la "perfectibilité" de nombre de productions, Jean Marie en est arrivé à développer ses propres charges, et faire fabriquer ses propres HP, bien au delà de simples adaptations de modèles catalogues: par des études, des conceptions et des fabrications complètes sur cahiers des charges maison, parfois même en repartant de zéro, à partir de la page blanche. Pareil pour les cables d'enceintes: il a été plus rationnel de faire réaliser des cables aux caractéristiques mesurables, et au comportement sur le rendu sonore, parfaitement contrôlés, et optimisés. Ce cable JMR (HP 216 A, puis B, et aujourd'hui HP 1132) équipe l'intérieur de la plupart des modèles, est utilisé lors des phase de développement des nouveaux modèles, pour les écoutes de validation, et souvent lors des présentations publiques. Je peux confirmer, suite à de très nombreux essais et écoutes de différents modèles d'autres fabricants, qu'il est, notamment sur les enceintes JMR, d'un excellent rapport qualité/prix, très rarement égalé.

De grands modèles d'enceintes sont sortis de l'entreprise (Opéra, Opus, Référence, Odyssée, Offrande, Concorde, EMP, ...), et JMR fait indéniablement partie de la grande histoire de la Hi-Fi française, auprès de fabricants comme Elipson, Cabasse (du temps de Georges), et d'autres depuis (Leon, ...).

Jean Claude Reynaud à la manoeuvre

Aujourd'hui, Jean Marie a disparu, son fils Jean Claude poursuit la belle aventure. "Tombé dans la marmite étant petit", toujours avec le soutien bienveillant de Solange, Jean Claude assure le présent et l'avenir. Il poursuit à sa manière l'oeuvre et le travail mené en conjonction et en complémentarité avec son père pendant des années; il impulse aussi ses qualités et attentes personnelles, avec un niveau de compétences, de savoir-faire et de réalisations en propre qui en font dès à présent une figure à part entière, reconnue parmi les fabricants français et mondiaux. Il bénéficie inévitablement d'une partie des expériences de son père, auxquelles il faut ajouter les études et développements opérés conjointement, et les siennes, nourries aussi par sa pratique musicale, son savoir-faire d'ingé-son et de producteur, et ses recherches personnelles sur les enceintes et leurs composants. Ses qualités d'ingé-son, identifiables dans ses enregistrements majeurs (notamment les enregistrements DSD stéréo et multicanaux au sein du label américain Bluecoast), témoignent de ses talents, et de sa sensibilité.
Jean Claude assure désormais le développement des appareils, et la gestion de l'entreprise. Ses réalisations propres ne laissent aucune place au doute: Il est à son tour, indéniablement, un des très grands de l'acoustique française, et ses enceintes sont déjà reconnues par les musiciens, les mélomanes, les principaux critiques et journalistes, notamment de la HiFi, qui font partie depuis le début de l'histoire de la HiFi Française. Tous reconnaissent en Jean Claude une personnalité forte, capable de belles prouesses, qui a d'ores et déjà assis sa réputation par ses réalisations (les très beaux modèles Folia et Abscisse notamment).

Présentation, les lieux de développement et d'administration

JMR aujourd'hui, c'est Jean Claude Reynaud, Madame Reynaud, et les employés qui travaillent quotidiennement à l'atelier et dans les locaux: le chef d'équipe, présent depuis des années dans l'entreprise, puis des techniciens "piliers", et des nouvelles recrues récemment formées.

IMG_0829 - Version 2L'enseigne "historique" JMR apparait à l'approche de l'atelier.

JMR est une entreprise située à Barbezieux, en Charente. Création en 1967 (ça fait un peu de bouteille), l'époque des prémices, puis de la mise en place progressive de la Hi-Fi grand public, et de la naissance des grandes marques et des noms les plus emblématiques. Jean Marie Reynaud (JMR) est un des quelques grands noms de cette période, et est toujours, aujourd'hui, à la pointe des créateurs d'enceintes.

L'entreprise a commencé petit, et a rapidement pris de l'ampleur au moment du formidable développement de la HiFi dans les années 70/80. C'est à ce moment que les locaux actuels ont été investis et équipés.

Sur une surface d'environ 2000 m2 sont aujourd'hui rassemblés les activités de recherche et développement (laboratoire, chambre sourde, salle d'écoute), l'administration / secrétariat, et l'ensemble des fabrications, elles mêmes subdivisées en plusieurs pôles et salles spécifiques.

Pour la visite, c'est par ici ...

Aller, on attaque ce tour des locaux et ateliers, qui est l'occasion pour moi une nouvelle rencontre avec Jean Claude Reynaud, puis d'écoutes spéciales.

C'est parti:
Pénétrons dans les locaux, et voyons les salles qui se présentent:
On entre, selon sa qualité, par la partie administration, par le hangar de livraison/expédition, ou par les locaux du personnel. Va pour ma qualité (celle-là me demande peu d'efforts): celle du revendeur/visiteur. J'accède donc par la partie administration. Petite entrée, desservant plusieurs accès, et déjà des vues sympathiques: vous accueillent là une enceinte modèle Offrande version actuelle, une vénérable Opus, et une EMP d'origine, l'Enceinte Murale Plate qui  précède de quelques décennies l'actuelle EMP2. Voyez la photo de cette respectable ancêtre, très innovante à sa sortie, et toujours exclusive dans sa proposition aujourd'hui (une enceinte murale et plate de haut niveau de qualité musicale, hors l'EMP2 il n'y a toujours pas d'équivalent sur le marché à l'heure actuelle).

JMR-Jean-Marie-Reynaud-atelier-92 JMR-Jean-Marie-Reynaud-atelier-933Dès l'accueil, déjà des choses intéressantes: ici, l'ancêtre des EMP2: l'EMP (1992). Disposition des HP en miroir pour une paire, évent latéral (du coté non visible). Les connaisseurs des EMP2 actuelles pourront noter les évolutions, les plus marquantes étant l'évolution de la charge interne (l'agencement des volumes internes), et les progrès des HP maison utilisés actuellement.

Je suis accueilli par Jean Claude, et on se rend pour commencer dans son bureau. Ordinateur, dossiers, croquis, quelques protos de HP qui ont été ou vont être évalués, pour servir aux développements en cours. Rien que de très normal.
Quelques échanges généraux avec Jean Claude, mais on a tous deux l'esprit un peu ailleurs: le projet ADARA. Moi: quoi-comment-de quoi ça a l'air, comment-ça-sonne ?, et Jean Claude, intéressé de faire partager et de présenter son bébé en cours. On se penche sur les dessins et le design, qui déjà permettent d'aborder la nature profonde du système et de son état actuel. Ce projet a fait l'objet d'un article à part, que vous pouvez suivre ici: ADARA, le projet haut de gamme de Jean Claude Reynaud.

C'est en partie dans le bureau que les projets d'enceintes sont étudiés, puis modélisés, à partir d'idées qui préalablement naissent et mûrissent au gré des éléments (essais, développements partiels, découvertes, pratiques, tests, ...) ou des réflexions, déclenchant des élaborations de cahiers des charges, des choix de types d'enceintes et de types de charge acoustique, des caractéristiques physiques nominales théoriques des haut parleurs et composants. Parfois en repartant d'une feuille blanche, avec un projet exigeant, repartant du fonctionnement théorique le plus abouti envisageable depuis les performances des meilleurs composants disponibles ou réalisables, comme ça a été le cas pour la 1° enceinte Offrande, qui a nécessité 4 ans de travail avant d'écouter le 1° prototype assemblé; ou un peu à l'opposé à partir d'une idée maîtresse, qui a pu germer à la suite d'écoutes, de réflexions nourries par les expériences et expérimentations (compris des études et tests de technologies et de composants qui n'ont pas pu aboutir à des modèles spécifiques); à partir même parfois de concerts marquants, qui font fuser une idée forte -par exemple: le quatuor Modigliani jouant sur "les 4 évangélistes", nom donné à un ensemble de 4 instruments réalisés par le même facteur, avec le bois d'un même arbre, donnant aux instruments du quatuor une cohérence inégalée, comme s'il s'agissait d'un unique instrument à registre très large, principe et résultats qui ont fait germer une idée, qui a abouti à la réalisation des Bliss Silver (à l'époque nommées Duet Anniversaire).

Après ces conceptions théoriques, il faut
-s'attaquer à la réalisation des HP nécessaires (en relation étroite avec un sous-traitant qui fabrique les protos sous cahier des charges, et avec multiples aller-retours tout au long de l'évolution des HP),
-faire réaliser par l'atelier des ébénisteries d'études, configurées pour subir des modifications dimensionnelles (réglages et optimisations multicritères, tailles respectives des charges internes multiples, dimensionnement des évents, traitements acoustiques internes, ...),
-et étudier et préparer les filtres. Le choix des composants de filtres est fait au vu des caractéristiques nominales, mais aussi du comportement sous différents régimes, de la stabilité des mesures, de la tolérance aux valeurs nominales et de comportement réel, sur lesquels il y a de grandes exigences. Les composants de filtre et les HP sont appairés avec de très faibles tolérances, même provenant de fournisseurs de qualité. Cet appairage prend un temps non négligeable (et donc ça coûte cher), mais ça permet aussi de bien contrôler les pièces, et cet appairage poussé est un des aspects essentiels des performances exigées pour une restitution musicale très performante sur des critères bien définis (le respect et la stabilité et de l'identité de la réponse temporelle et fréquentielle d'une paire d'enceintes est indispensable, notamment à l'obtention d'une mise en espace précise, cohérente, stable et vaste).

Du bureau, on se dirige direct vers la salle d'écoute, à l'étage. Cette salle d'écoute est particulière, et atypique. Je la connais bien, pour l'avoir fréquentée plusieurs fois, et dès il y a pas loin de 40 ans, lors d'une sortie scolaire choisie parmi de nombreuses propositions (JMR faisait déjà rêver). C'est une salle haute de plafond à 2 pentes, moquette au sol, certains murs tapissés, les autres enduits de matériau minéral rugueux. 2 fenêtres, fauteuils (style indéfini, mais confortables !), mobilier pour les électroniques, et le matériel en écoute/test (avec micro de mesure). Une belle salle semi-réverbérante, bénéficiant d'une acoustique assez proche de ce que peuvent donner nombre de salles d'écoute domestiques sans défaut acoustique notoire. Jean Marie Reynaud a été un des premiers à exiger de ses produits les plus parfaites mesures possibles en chambre sourde, mais en plus un comportement naturel et équilibré en milieu semi-réverbérant.
Je me souviens d'une pub d'un fabricant de la "belle époque" expliquant qu'il serait absent d'un salon HiFi parce que seules les chambres sourdes pouvaient permettre de rendre compte de la qualité de ses propositions.
L'état d'esprit et la philosophie JMR sont bien différents de cette vue de la problématique de la retranscription musicale: la prise en compte des conditions réelles d'écoute et d'installation domestiques pour des particuliers (salle, conditions d'installation et matériels associés) a toujours fait partie du cahier des charges de la marque dans ses développements de projets.

Je vous montre pas de photo de cette salle d'écoute, vu qu'à cet instant, elle héberge le système ADARA en développement, nécessitant encore pour quelque temps un minimum de confidentialité sur certains de ses aspects et sa constitution physique. Je passe sur les quelques heures (oui, heures) passées à l'écoute de ce système, sacrés moments !

Je jette un oeil dans une pièce jouxtant la salle d'écoute, où sont remisés quelques appareils de développement et de mesures: http://enceintesetmusiques.com/blog/jmr-adara-projet-tres-haut-gamme-jean-claude-reynaud/

Une belle galerie d'appareils analogiques, qui ont longtemps servi à des mesures très poussées, tables traçantes, générateurs de sons, analyseurs de tous poils, oscillos, ... Certains appareils sont tombés malades et sont inopérables (plus de pièces de rechange disponibles), ou sont devenus obsolètes depuis l'arrivée des mesures numériques.
Ce passage de l'analyse et de la mesure analogique vers les outils et les mesures en process numérique a posé pas mal de soucis. Pas pour l'apprentissage et la prise en compte de ces nouveaux outils et modes opératoires, mais pour l'adaptation entre les étalonnages anciens et nouveaux, sur les plans techniques et personnels, ainsi que pour les spécificités de certaines mesures, que le numérique a largement amélioré et élargi d'un coté, et n'a pas pu remplacer aussi efficacement pour d'autres. Les mesures numériques ont globalement permis de gagner sur bien des points et des aspects, et sont depuis longtemps complètement intégrées aux pratiques et phases de développement des nouveaux produits, et aux travaux d'optimisation des modèles actuels.
Pas de photos des appareils de mesures numériques, qui sont constitués de micros de mesures calibrés, puis de logiciels d'analyse, dont le résultat apparait sur un simple ordinateur. Les logiciels incluent aussi des signaux tests à envoyer à l'enceinte, en plus des traditionnels générateurs de fréquences, toujours utilisés.

 JMR-Jean-Marie-Reynaud-atelier-81 Mesures analogiques, et table traçante d'époque.

On redescend. Un crochet par la chambre sourde. C'est une salle de belles dimensions (surtout la hauteur, impressionnante), jouxtant la salle de l'opérateur par 1 panneau vitré occultable acoustiquement. On marche sur un cheminement étroit en grille épaisse, un proto d'enceinte à l'étude est encore en place, avec les micros de mesure. Cette grande salle anéchoïque est très utile pour certaines mesures, tous les fabricants d'enceintes n'en disposent pas forcément. Il est vrai qu'aujourd'hui, avec les outils numériques et des mesures spécifiques, un certain nombre de mesures sont accessibles sans salle dédiée, mais certaines mesures ne peuvent être opérées que dans des environnements de ce type (pas de réverbération). Jean Claude Reynaud m'avait déjà expliqué au cours d'échanges que chaque salle devait être bien connue de son opérateur: aucune n'est réellement neutre, et il faut en connaitre les typologies lors de certaines mesures (notamment pour les fréquences du registre des graves) pour opérer les corrections et pondérations sur les résultats mesurés. Là encore une histoire d'étalonnage, nourri par l'expérience et les nombreuses expérimentations et mesures.

JMR-Jean-Marie-Reynaud-atelier-chambre sourde--78La photo de la salle est volontairement prise au dessus de l'installation actuelle (présence d'un proto en étude).

Sur le bureau de l'opérateur de mesures de la salle anéchoïque, juste derrière la cloison et le panneau vitré, je remarque une table permettant de monter à blanc des circuits électriques (là, des filtres et composants de filtres), pour faire les mesures, et appliquer les modifications de composants aux enceintes en cours de mesure immédiatement, en temps réel.

JMR-Jean-Marie-Reynaud-atelier-79Des connecteurs du bornier blanc partent les fils (les cables blancs: il s'agit de cable JMR, le cable HP 1132) qui vont alimenter les différentes voies de l'enceinte située dans la salle anéchoïque. Sur le banc de montage sont raccordés les éléments et composants de filtre, permettant d'expérimenter ces composants, et de mesurer l'action du filtre dans le comportement des enceintes prototypes, visualisé et détaillé par différentes mesures acoustiques.

Petite vue de l'ensemble de la table de travail du labo, prise en pleine phase de réglages fins et de mesures, pour un projet déjà bien avancé: la phase de mesures et d'optimisation du filtrage et des réglages arrive assez tard dans toutes les phases de développement d'une enceinte; il y a auparavant eu toute la partie programmation, calculs et modélisation, sélection et mesure des composants, conception et fabrication de l'ébénisterie en version prototype de travail, définition et réalisation des HP.

ean-Marie-Reynaud-atelier-enceintes-JMRJean Claude m'indique qu'il doit ranger un peu ses "jouets". Mais je trouve que ce foisonnement (ce bordel apparent) traduit bien l'effervescence de ces moments intenses, lors de ces interventions multiformes et multicritères (électriques, acoustiques, électroniques), lors des réglages et optimisations les plus fins possibles des enceintes en cours de développement.
Je reviendrai, dans un article à paraître ultérieurement, sur cette vue, sur laquelle apparaissent plein de petites choses diablement intéressantes, et sur ce moment essentiel du développement de nouvelles enceintes, ou d'optimisation de modèles existants.

Le banc de montage sert à mettre en oeuvre rapidement les filtres calculés ou en cours d'évaluation, à opérer les mesures, puis à affiner les réglages et les choix (composants, valeurs, ...). Ensuite intervient la réalisation de filtres proto en fils directs, cablés en l'air comme tous les filtres de la marque, protos de filtres avec lesquels sont réalisées les ultimes mesures fines, et les optimisations et réglages définitifs, avant que les matériels ne passent par de longues phases d'écoute (qui motivent parfois des changements de composants, et donc à nouveau des mesures poussées, et ensuite de nouvelles évaluations par les écoutes).

Certaines optimisations sont parfois hors du champ de prévision et de modélisation par le calcul; elles sont motivées par la prise en compte de résultats expérimentaux, suite à recherches et évaluations par les mesures et/ou les écoutes expertes (selon les phénomènes rencontrés), enrichissant une Expérience, des connaissances et savoir-faire. Certains aspects sont rarement ou pas abordés dans les ouvrages théoriques, et chaque fabricant a ses techniques, ses choix, voire certains ne n'intéressent pas à ces aspects dès lors qu'ils sortent du champ théorique et des modélisations, ou des effets accessibles à la mesure. La limite est de se cantonner à ce qui porte résultat, et que les moyens requis ne soient pas hors de propos par rapport aux résultats obtenus. Ainsi, certaines voies d'optimisation portant résultat ne sont pas toujours mises en oeuvre quand peu efficaces, ou ne perdurent pas sur les modèles suivants, si le concepteur a trouvé le moyen d'être encore plus efficace avec d'autres techniques (je pense ici par exemple à certains développements de HP vus sur des prototypes présentés au public - modèle Saturne-, ou à l'abandon du HP à membrane conductrice de l'Offrande V4).

Tout le savoir-faire JMR engagé sur chaque modèle:

Les modèles les plus haut de gamme mis en projet bénéficient plus facilement de composants parfois onéreux, aux performances élevées, qu'il n'est pas envisageable d'intégrer dans des modèles plus bas dans la gamme, pour des raisons évidentes de budget.  Les composants sont choisis notamment pour leur efficacité dans le résultat final, avec recherche de cohérence entre les moyens alloués et leur impact dans le résultat final. Par exemple caricatural, il n'est pas possible d'équiper les enceintes Folia (entrée de gamme) avec les tweeters à ruban des Concorde Suprême (ça ferait bien plus que doubler le prix des Folia). Mais au delà de ces hiérarchies de composants, il est intéressant de savoir que pour les architectures internes, pour de nombreux points de conception et de fabrication, et pour les temps d'études en général, les développements n'ont jamais été restreints selon la gamme des enceintes. Même une enceinte d'entrée de gamme (Folia, Bliss, ...) bénéficie des expérimentations, des recherches sur les charges et les HP, des expériences et savoir-faire des concepteurs, tout comme les enceintes haut de gamme, sans restriction. Si les composants sont adaptés pour préserver un coût réaliste d'un modèle, le temps lui n'est pas compté pour le développement et l'architecture interne d'un modèle.
Par ailleurs, certains composants ont pu bénéficier des études et des quantités de commandes des plus hauts modèles pour se retrouver intégrés dans ces modèles de gamme plus modeste (cas des HP des petites enceintes biblio Folia, directement dérivés des HP médium des enceintes Concorde. Ce HP doit son existence et ses performances à ce modèle très haut de gamme. Idem pour le tweeter à ruban, originellement développé pour les Concorde, qui équipe les enceintes jusqu'au modèle Abscisse).
Ainsi, même les modèles d'entrée de gamme ont des prestations de même type, ou en relation directe avec ce qui a été fait pour les modèles haut de gamme. Ca explique les performances des modèles d'entrée et de début de gamme chez JMR, qui ont peu d'équivalents sur le marché (trouver une biblio qui offre une qualité de médium et une qualité de timbres des graves comparables à celui des JMR Folia est une sorte de défi, tout comme les performances globales d'une Cantabile Suprême).

Voilà pour la partie des lieux de conception et de mesures, analyses et évaluations.
On poursuit l'exploration et la présentation des locaux vers la partie fabrication, les lieux dédiés à la construction des enceintes JMR.

Suite de la visite: dans les ateliers Jean Marie Reynaud - épisode 2: la fabrication des ébénisteries